Eblouissante sur la scène du Théâtre de la Pépinière, Judith Magre fascine les spectateurs avec Rose, un monologue brillant écrit par Martin Sherman . La « Rose » qu’elle incarne, une juive d’origine ukrainienne qui traverse l’histoire du XXème siècle, restera longtemps dans les mémoires.
Martin Sherman, dramaturge américain, s’est fait connaître avec Bent, une pièce qui traitait de la déportation des homosexuels. Rose, créé à Londres en 2000 avec Olympia Dukakis dans le rôle-titre, a été adapté et sobrement mis en scène par Thierry Harcourt, qui a trouvé en Judith Magre une interprète exceptionnelle. Rose, c’est l’histoire d’une vie, celle d’une jeune fille d’un shtetl d’Ukraine qui rejoint son frère à Varsovie peu avant l’invasion allemande, vit une passion amoureuse avec le peintre Yossel, se retrouve piégée dans le ghetto, échappe miraculeusement à la Shoah, partage l’aventure de l’Exodus pour finalement émigrer aux Etats-Unis. Son parcours aboutit à Miami, tandis ses enfants sont devenus israéliens. Un résumé d’histoire ashkénaze.
Durant près d’une heure trente, Judith Magre, assise sur un banc de bois où elle fait Shiv’ha, la période de 7 jours qui suit un deuil chez les Juifs – on apprendra par une étonnante pirouette, à la fin de la pièce, de qui Rose fait son deuil – nous fait vivre son épopée tragi-comique. Oscillant avec une grâce inouïe entre émotion et traits cinglants d’humour juif – « Ma mère était une sainte, c’était sans doute la seule chrétienne du shtetl ! » ou encore « Les Juifs ne sont pas des visuels, regardez comment ils s’habillent ! » -, l’intensité du jeu de Judith Magre envoûte littéralement, ponctué par les notes délicates du violoniste Eric Slabiak, des Yeux Noirs, compositeur de la très belle musique de la pièce .
Une performance d’actrice de cette dimension est rare. Judith Magre, d’une époustouflante beauté, est sans aucun doute, à 85 ans, l’un des derniers « monstre sacré » de la scène française, et nous offre une Rose éclatante de vie et de liberté. De tels moments de théâtre sont immanquables.
Arielle Granat
LA PEPINIERE THEATRE
7 rue Louis le Grand 75002 PARIS. M° Opéra.
Du mardi au samedi à 19h – Dimanche à 15h
Réservations www.theatrelapepiniere.com ou 01 42 61 44 16
Tarif unique : 32 € / moins de 26 ans : 12 €