Le Brio Yvan Attal Jewpop
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"Le Brio", d'Yvan Attal

6 minutes de lecture

 
Avec « Le Brio », Yvan Attal livre un brillant plaidoyer contre les préjugés et pour l’amour de la culture française. Un film ancré dans notre époque, drôle et bouleversant à la fois, porté par un très grand Daniel Auteuil et une Camélia Jordana qui crève l’écran.
 
La faculté d’Assas, dans le 5ème arrondissement parisien, est réputée pour être le lieu d’excellence des études de Droit. Une université qui fut aussi le bastion historique du GUD, où règne encore l’entre-soi bourgeois et où pochettes Longchamp et mocassins à glands font partie du dress code des étudiants bien mis. C’est dans cet univers que débarque Neïla Salah (Camélia Jordana), jeune fille musulmane originaire de Créteil, pour son premier cours d’Histoire du droit dans l’impressionnant grand amphi d’Assas, admirablement filmé par Yvan Attal lors du plan séquence de la scène d’ouverture.
 

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Arrivée en retard, Neïla se retrouve dans cette cathédrale du savoir face à un millier d’étudiants scotchés sur leurs ordinateurs portables, retranscrivant les paroles de leur professeur qui trône sur scène telle une star de rock, dans un impressionnant silence entrecoupé du cliquetis des claviers. Ce professeur, c’est Pierre Mazard (Daniel Auteuil), un enseignant connu pour ses provocations. Le retard de Neïla en fait une cible de choix dans cette première scène explosive, où Auteuil prend à partie l’étudiante. Neïla lui demande pourquoi il s’acharne sur elle, la réplique fuse, cinglante « Ah, voilà le complexe de persécution qui pointe, c’est typique ! ». « Typique de quoi ? » répond la jeune fille, tandis que des étudiants s’exclament « Vous n’avez pas le droit, c’est du racisme ! ». D’entrée, le cadre est posé par Yvan Attal, qui se joue habilement de tous les clichés du « vivre ensemble » rebattus dans la litanie du discours politiquement correct, tout comme ceux entretenus par certains jeunes des « quartiers » sur le mode victimaire.
 
Pour éviter une procédure disciplinaire après cet échange musclé, filmé et diffusé sur les réseaux sociaux, Mazard propose à Neïla, sous la contrainte du directeur de la faculté (formidable Nicolas Vaude), de la préparer au prestigieux concours d’éloquence, une compétition d’art oratoire qui rassemble les meilleurs étudiants des universités de Droit, et dont les lauréats finissent souvent ténors du barreau. Cynique ou pas, ce Pygmalion moderne va former la jeune fille à l’art de la rhétorique et à la verve du verbe.
 

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L’une des grandes forces du film d’Attal, très (et merveilleusement) dialogué, est de rendre toutes les scènes de préparation au concours captivantes, souvent hilarantes, telle celle où Mazard exige de Neïla qu’elle déclame dans une rame de métro la tirade de Brutus du Jules César de Shakespeare. Mais son film n’est pas qu’un « dramedy », selon l’expression usuelle aux USA pour qualifier ce genre cinématographique mêlant comédie et émotion. Il brosse un portrait lucide et empli d’empathie de cette jeune génération de Français nés dans les cités qu’incarne Camélia Jordana avec fougue, avides de trouver leur place dans la société, de tracer leur voie dans des milieux dont ils n’ont ni les codes et encore moins les entrées. Ici, la clef, c’est la langue, la culture, l’amour des textes classiques, transmis par Mazard, ce personnage ambigu, énigmatique et terriblement attachant, porté par un extraordinaire Daniel Auteuil.
 

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Faire l’éloge des différences sans tomber dans la caricature ou la démonstration poussive, casser les préjugés, n’est pas un exercice facile. Yvan Attal s’en tire ici avec brio, offrant au spectateur un grand moment de cinéma. Il lui donnera aussi furieusement envie de se procurer, dès la sortie de la salle, un exemplaire de L’Art d’avoir toujours raison de Schopenhauer, afin de maîtriser toutes les ficelles et subtilités de la dialectique éristique. Et ça, c’est aussi une brillante idée !
 
Alain Granat
 
Le Brio, d’Yvan Attal, sortie en salles le mercredi 22 novembre.
 
La bande annonce du film

 
© photos : Daniel Koskas / DR
Article publié le 20 novembre 2017. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2017 Jewpop

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