À 8 kilomètres de Gaza, trois grandes tours crachent des fumées. Partout, d’immenses tuyaux dans d’impressionnants containers s’élèvent vers le ciel. Centre de contrôle ? Base militaire ? Base de lance-missiles ? Rien de tel. Ouverte en 2005 à Ashkelon, au Sud d’Israël, l’usine de dessalement transforme chaque jour 396 000 m³ d’eau salée en eau potable. Elle produit 13% de la demande domestique en eau du pays. 1 000 employés se rendent chaque jour sur leur lieu de travail. Le processus entier ne prend que 30 minutes.
“Le Hamas tente souvent de prendre pour cible l’usine de dessalement d’Ashkelon”
En période de guerre, Ashkelon et Beer-Sheva sont les premières villes israéliennes à êtres menacées et visées. Le Hamas tente souvent de prendre pour cible l’usine de dessalement, un objectif qui, s’il était touché par des roquettes ou missiles, affecterait les Israéliens dans leur consommation quotidienne d’eau potable. La situation géographique est stratégique. Toutes les eaux usées du côté gazaoui s’écoulent dans la mer et arrivent jusqu’au pied de l’usine de dessalement : cela affecte la qualité de l’eau, augmente les prix de traitement et les efforts fournis.
Bien qu’il y ait un accord international de partage des eaux, Israël devant en fournir à la Jordanie et à Gaza, ce dernier territoire ne lui rend pas la tâche facile. Durant le conflit en 2014, le Hamas a détourné 100 mètres des tuyaux servant au transfert de l’eau et s’en est servi pour construire des missiles. À la fin de la guerre, l’État hébreu les a remplacés à ses frais. Durant toute cette période, les Gazaouites n’ont pu être alimentés en eau.
Israël compte cinq usines de dessalement. Ashkélon fut la première construite, en 2005. Aujourd’hui, suite aux évolutions technologiques, elle est moins rentable que ses voisines : moins efficace, elle est aussi plus coûteuse. La relève se fait notamment à 15km de Tel-Aviv, à Sorek. L’usine a été rendue opérationnelle en 2013. Il s’agit de la station de dessalement la plus grande du monde. 1 million de personnes en Israël bénéficient chaque jour de l’eau provenant de Sorek.
Il existe deux façons de désaliniser l’eau. La désalinisation thermique utilise l’évaporation. L’eau est récupérée dans un autre réservoir tandis que les grains de sel restent dans la cuve initiale.
La seconde technique, le dessalement par osmose inversée des membranes, est celle utilisée en Israël. L’eau de mer passe à travers ces membranes afin que les ions et molécules de sel se séparent progressivement des molécules d’eau. À ce moment seulement, la Compagnie nationale des eaux israélienne, Mekorot, traite l’eau et y ajoute du calcium et d’autres éléments pour rendre l’eau potable et viable.
Israël n’est pas le seul pays à avoir recours aux usines de dessalement. Plus de 18 400 stations sont réparties dans le monde, dont 200 en Californie. Quant à Dubaï, 98% de son eau potable provient des usines de dessalement.
Pourtant, l’usage de ces techniques ne se fait pas sans poser de problèmes environnementaux. Ainsi, l’eau de mer au pied des usines de dessalement est généralement plus chaude, ce qui y attire de nombreux poissons qui sont aspirés par les tuyaux quand ceux-ci récupèrent l’eau à dessaler, générant une perte importante pour la biodiversité. Par ailleurs, une quantité importante de sel est rejetée à la mer à la fin du processus de dessalement. Les effets sur la faune et la flore marine sont encore mal connus, et le coût d’une étude sur 1 km² pour dresser des prévisions reviendrait à 1 million de dollars, une somme qu’hésitent à investir les acteurs du dessalement pour des résultats qui selon eux n’en vaudraient pas la peine.
L’eau est le défi majeur du 21e siècle. Une dizaine de pays favorisés par le climat se partagent 60% des ressources mondiales. En Israël et au Moyen-Orient, c’est un enjeu de pouvoir et de souveraineté. Le seuil de pénurie d’eau s’élève à 1000 m³/an. La France dispose d’environs 3400 m³/an/habitants. En Israël et dans les pays alentours, le chiffre atteint une moyenne de 300 m³. Maîtriser des techniques telles que la désalinisation est donc une question de survie dans des régions en état de « stress hydrique » comme le « triangle de la soif » (Moyen-Orient, Afrique du Nord, Asie Centrale).
Daphné Tapia
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© photos : Daphné Tapia
Article publié le 20 mars 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2018 Jewpop