Souccot ghetto Lodz 1941 Jewpop

Souccot dans le ghetto de Lodz en 1941

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Ce sont des photos rares et émouvantes, issues des archives de Yad Vashem et de l’institution israélienne Shem Olam Institute, centre de documentation sur la Shoah. Elles sont le témoignage poignant de la volonté des juifs de Lodz de perpétuer, dans les pires conditions du ghetto, les traditions des fêtes de Souccot.

Entrée du ghetto de Lodz, photo Henryk Ross Jewpop

L’entrée du ghetto de Lodz, un panneau indique : « Zone d’habitation des Juifs, entrée interdite ». Photo Henryk Ross

Le ghetto de Lodz, deuxième ville de Pologne et premier pôle d’industrie textile du pays, est établi le 30 avril 1940. Après celui de Varsovie, c’est le plus grand ghetto des territoires sous occupation allemande. 164 000 Juifs résidant à Lodz y sont internés, auxquels viennent s’ajouter des dizaines de milliers de Juifs de la région, des Juifs originaires du Reich, ainsi que des Sinti et des Roms. Le ghetto, d’une superficie d’un peu plus de 4km², conçu à l’origine comme une installation temporaire de transit, subsistera pendant plus de quatre ans, la décision d’exploiter la main d’œuvre juive servant les intérêts des nazis. Au printemps de l’année 1940, le ghetto de Lodz est isolé du reste de la ville par des clôtures en bois entourées de barbelés. Les Juifs y sont confinés sans eau ni électricité. Épidémies et famine y causeront la mort de 43 500 personnes.

Mordechai Chaim Rumkowski, l’autoritaire et controversé président du Judenrat de Lodz, estime que le travail permettra aux Juifs de continuer à vivre. Il décide alors la mise en place d’un système de production comprenant des « ressorts » (ateliers) qui emploient même de jeunes enfants, dans lequels les Juifs du ghetto travaillent pour les Allemands dans de terribles conditions. Les nazis considèrent cependant la mise au travail des habitants du ghetto comme une simple pause avant la réalisation de l’objectif visé : l’extermination. Les premières déportations depuis Lodz vers le site d’extermination de Chelmno, où les Juifs sont assassinés dans des camions à gaz, ont lieu en janvier 1942. Rumkowski est contraint de dresser des listes de « candidats » à la déportation et d’organiser leur rassemblement. Il ne parvient pas à obtenir la diminution des quotas de Juifs désignés pour la déportation et à la fin de l’année 1942, près de la moitié des internés à Lodz ont déjà été massacrés à Chelmno.

Juifs priant dans le ghetto de Lodz photo de propagande nazie

Juifs priant dans le ghetto de Lodz, photo de propagande nazie, probablement prise entre 1941 et 1942 / United States Holocaust Memorial Museum, avec la permission de Sidney Harcsztark

La photo qui suit figure des hommes entourant un jeune garçon dans un oratoire du ghetto, le personnage central portant les « quatre espèces », quatre végétaux mentionnés dans la Torah comme l’une des prescriptions majeures et caractéristiques de la fête de Souccot. Ces quatre espèces (palme de dattier, branche de myrte, branche de saule et cédrat) doivent, selon la tradition juive rabbinique, être rassemblées en faisceau, portées et balancées lors de récitations de prières au cours des sept jours que compte la fête.

Souccot ghetto Lodz 1941

Prière de Souccot dans le ghetto de Lodz / Shem Olam Institute

Ces photos ont été prises en 1941, moins d’un an après l’établissement du ghetto de Lodz. Selon le rabbin Avraham Krieger, directeur du Sholem Olam Institute, arriver à réunir ces « quatre espèces » relevait alors de l’exploit, expliquant qu’elles avaient sans doute miraculeusement été acheminées de Palestine via la Grèce. Mordechai Rumkowski obtint des nazis en septembre 1941 une autorisation spéciale pour quelques habitants qui se rendirent à Varsovie et réussirent à trouver ces quatre espèces rarissimes alors en Europe.

Lorsqu’ils revinrent dans le ghetto de Lodz avec, ainsi que le rapporte le site du quotidien israélien Yedioth Ahronoth, de longues files de juifs du ghetto les attendaient pour les bénir et balancer, selon la tradition, les branches de ces espèces. Une lettre adressée par des Hassid de Gur du ghetto de Lodz à Rumkowski, datée du mois de septembre 1941, atteste de leurs remerciements d’avoir pu ainsi célébrer la fête de Souccot, malgré les conditions dramatiques dans lesquelles ils tentaient de survivre.

Soucca Ghetto Lodz 1941

Soucca dans le ghetto de Lodz / Shem Olam Institute

Le rabbin Krieger souligne combien bâtir une soucca fût alors une gageure, expliquant que « le ghetto était en constant manque de matériaux pour aider la population à se chauffer. Toutes les pièces de bois permettant de faire du feu, qu’il s’agisse de portes ou montants de fenêtres, étaient utilisées… Pour ériger une soucca, les habitants devaient obtenir une autorisation exceptionnelle des autorités juives du ghetto ».

Souccot ghetto Lodz 1941 Jewpop

Prière de Souccot dans le ghetto de Lodz / Archives Yad Vashem

Le meurtre des Juifs du ghetto de Lodz et des régions voisines se poursuivra par intermittence jusqu’au départ du dernier convoi de déportés vers Auschwitz, le 30 août 1944. La ville de Lodz sera libérée par l’Armée Rouge le 19 janvier 1945, qui découvrira 900 habitants du ghetto miraculeusement rescapés, terrés dans ses ruines. Des 204 000 personnes qui passèrent par le ghetto de Lodz, 10 000 seulement survivront. 95 % d’entre eux ont péri de privations, de maladie, ou assassinés dans les camps d’Auschwitz-Birkenau et à Chelmno.

Alain Granat

© photos : Yad Vashem / Shem Olam Institute / United States Holocaust Memorial Museum, courtesy of Sidney Harcsztark / Henryk Ross, Museum of Fine Arts, Boston / DR

Article publié le 25 septembre 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop
  

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