Dans la vie, je suis chargée de recrutement, et quand j’ai vu dernièrement Madame Azria débarquer avec son fils, consultant informatique de 32 ans, à notre entretien d’embauche, j’ai réalisé à quel point on avait un petit souci d’autonomie chez nous. « Je l’attends ici ça ne vous dérange pas ? Vous me faites un petit café ? Allez bonne chance mon fils ! Soyez gentille avec lui marboun il est encore jeune » « Maman arrête ! » Voilà on en était là, tous contraints de vivre sous la coupe de notre sacro-sainte mère juive pour le meilleur et pour le pire.
Il y a 10 semaines, j’ai donné très modestement au monde sa huitième merveille : ma fille Lena ! Je suis devenue une mère juive à mon tour et j’ai compris tout un tas de choses. Pendant 32 ans, je tenais pour responsable de mon célibat toutes les mères juives des hommes que je rencontrais à travers les 3 C : Castration, Culpabilisation, Comparaison. Romain Gary dans sa « Promesse de l’aube » avait commencé à me mettre la petite puce à l’oreille « Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais […] Partout où vous allez vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu ». Mais maintenant que je suis mère, j’en rêve.
Mamma Mia
Quand on me demande la différence entre une mère juive et une mère normale, je raconte qu’à un second date avec un garçon, ce dernier m’a ramené du boulou au chocolat (une tuerie !) dans un aluminium que sa mère a préparé pour moi dans l’attente de me rencontrer… Mais aussi que la mère d’un prétendant d’une copine s’est assise 2 tables derrière au restaurant pendant leur rencard, que ma copine qui venait d’accoucher a entendu sa mère dire à la gynécologue « Poussez vous un peu je vais lui masser le ventre, je la connais ça la soulage » et une autre soudoyer la sage femme en lui donnant sa recette des aubergines frites de shabbat pour qu’ils l’autorisent à rester pendant le Corona ! Et c’est pas fini ! En allant faire des courses avec sa mère, une amie de 31 ans est allée chercher son portefeuille dans la voiture, elle l’avait oublié et sa mère l’a vu traverser. À la caisse elle l’a affiché devant la caissière décontenancée « Je t’ai vu, tu aurais du attendre le p’tit bonhomme vert ! »
Voilà, une mère juive nous considérera toujours comme son petit bébé, quitte à appeler notre RH, le serveur du restaurant où on se trouve, la police nationale si on a le malheur de ne pas donner de nouvelles dans la minute, quitte à débarquer en hurlant au parc alors que vous êtes mariés avec vos enfants « Je t’avais dit de mettre un manteau, j’ai vu la météo, il va y avoir de l’orage ! » Elle refusera de nous voir grandir même si cela implique de nous afficher en permanence devant les autres. Elle a tous les droits, c’est notre mère mais comme Jésus c’est aussi la trinité : Notre mère, notre déesse et l’enfant également. Trois pour le prix d’une !
Notre mère
Un autre élément constitutif : la mère juive a parfois du mal à se distinguer de sa descendance. Son enfant ou elle c’est pareil ! Ça donne des situations cocasses où elle dit « ON a eu le permis ! » ou « Je sens que tu vas accoucher, j’ai eu mal au dos toute la nuit ». Elle fait corps avec le fruit de ses entrailles. Quand une mère lambda invite son enfant à prendre son envol dès sa majorité, la mère juive l’invite à rester au nid pour le couver encore un bon moment ! C’est son p’tit moineau ! Celui pour lequel elle s’oubliera totalement, dont le bonheur sera celui de ses enfants, aura deux ennemis féroces contre lesquels elle devra les défendre toute sa vie : le mauvais temps et la faim. L’important, c’est de se rendre indispensable pour que son moineau reste toujours près d’elle !
Ventre à domicile
Pour ce faire, la mère juive a deux armes qu’elle utilise matin, midi et soir : la bouffe et la culpabilisation. Pour la partie qui se mange, il ne faut pas hésiter à faire du harcèlement alimentaire. Sa progéniture doit manger parce que sinon « Ha tu n’aimes pas ta mère alors ! ». Elle vous cuisine du sur mesure en quantité industrielle en espérant tenir la barre tellement haute que jamais aucune concurrence ne rivalisera avec elle. Pour l’aspect culpabilité, elle n’a même pas besoin de vous crier dessus, elle sort avec parcimonie ses arguments imparables ornés d’un léger soupçon d’exagération : « Ça y est tu as oublié ta mère ? Aucune nouvelle de toi hier ! Et si j’étais morte entre temps ? » « J’ai des varices, je n’arrive plus à marcher ! La fin est proche donc viens manger à la maison »
Complexe d’Oedipe
Contrairement à son mari, la mère juive rêve secrètement que son fils soit gay, la victoire ultime : il n’en aimera jamais une autre qu’elle si c’est le cas ! Mais s’il a le malheur d’être hétérosexuel et kidnappé par une concurrente plus jeune et plus fraîche, elle pourrait n’avoir aucun état d’âme à venir en blanc à leur mariage, à demander à leurs enfants de l’appeler « maman » et pas mamie (véridique !), ou à lui donner sous le manteau des tupperwares de nourriture pour, je cite, « ne pas qu’il meurt de faim le soir quand il rentre ». Mais heureusement cela ne concerne que la frange radicale des mères juives !
La Mamma
Ta maman est une louve en puissance qui a une force de lionne ! Un oral raté ? Une note de bac injuste ? Faites appel à la mère juive ! En 24h, elle vous retourne le rectorat, l’académie de Versailles et le ministère de l’Éducation jusqu’à obtenir gain de cause ! Et ça marche ! L’autrice de tes jours, un chouille angoissée et dont l’imagination à la Kubrick déborde, attendra toute la nuit ton message pour savoir si tu es bien arrivé/é même si tu as déjà 35 ans, est marié/e, a des enfants et n’hésitera pas à déclencher le plan Orsec si tu ne réponds pas au téléphone. Qui a dit sur-protection ? Elle ne te laissera pas risquer ta vie – et donc la sienne – dans les transports en commun jusqu’à ta majorité, et n’hésitera pas à te jeter un pack d’Evian dessus quand tu pars en voyage pour éloigner le mauvais œil. Mais elle t’aimera toute sa vie d’un amour inconditionnel, et même si tu as en permanence honte d’elle, c’est réciproque.
Pas la mère à boire
J’ai la chance d’avoir un fiancé qui a une relation tout ce qu’il y a de plus sain avec sa mère : il lui a écrit une chanson au piano, il est tombé amoureux de moi le jour où je lui ai préparé un gâteau à la confiture d’abricot comme celui de sa mère, et il est resté vivre chez elle la trentaine bien bien passée… Comme je rêve que ma fille fasse pareil avec moi, si je voulais me marier avec un juif, il fallait bien accepter que ce soit un fils à maman !
Myriam Berdah
PS : Une belle dédicace à toutes les mamans du groupe FB Donna Mamma, qui sont une vraie source d’inspiration au quotidien !
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Article publié le 21 octobre 2020. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop
Pour les mères juives clichés-classiques, oui, mais à quand un article pour les mères juives pas mères juives ?
Et voilà ! https://jewpop.com/humour/au-secours-je-ne-suis-pas-une-vraie-mere-juive/