Moïse, héros malgré lui

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Vous le savez, je n’aime pas Pessah. Tout le monde se plaint. Les gens qui partent se plaignent du prix des séjours, les gens qui restent se plaignent que cette année y a pénurie de Coca Zéro casher le Pessah dans le XIXe.
 
La semaine dernière à la caisse d’un Naouri, une femme devant moi se fait aborder par un jeune homme avec une grosse tirelire. «Bonjour madame, je m’occupe de collecter des fonds pour des familles juives dans le besoin». La femme n’écoutant que son cœur a ouvert son porte-monnaie pour lui tendre une carte de visite : «Ça m’intéresse. Mon mari et moi on ne peut plus suivre. Cette année j’ai fait le calcul, c’est aussi cher de faire les courses que de partir en voyage organisé. Vous pouvez m’inscrire sur vos listings, comment ça se passe, on vous fait une liste ? Pour la viande vous allez où ?».
 
Ma mère dit qu’on a perdu l’idée et la philosophie de Pessah. Elle dit qu’à son époque, on avait le choix entre deux saucissons et qu’on mangeait des pommes de terre et des œufs toute la semaine. Bon je vous rassure, toutes ces considérations ne l’empêchent pas de tester la pizza et la bière casher le Pessah. Moi je me dis que Pessah, c’est autre chose. C’est l’histoire de la sortie d’Egypte, de la liberté retrouvée, mais c’est aussi et surtout l’histoire de Moïse, l’homme qui a sorti les Hébreux d’Egypte, et qui n’a jamais posé le pied en Israël. Il paraît que Dieu l’aurait puni d’avoir tapé le bâton sur le rocher devant la Mer Rouge. Mais en fait, la vraie raison est tout autre.
 
Quand Moïse s’est présenté devant Pharaon pour lui demander de laisser partir son peuple, Pharaon il a bien rigolé. Ben attends, un mec qui zozote avec un bâton, faut le comprendre Pharaon, il a tiqué.
Pharaon : bon allez, tu m’as bien fait rigoler mais maintenant j’ai du boulot, alors tu dégages !
Moïse : Laisse partir mon peuple !
Pharaon : Oh putain t’es en boucle là ! Je t’ai dit non ! Les esclaves hébreux ils restent ! On délocalise pas, nous. Tu me diras, les pyramides, c’est comme le Rafale, c’est dur de les vendre.
Moïse : laisse partir mon peuple, sinon il va t’arriver des bricoles.
 
Bon, là Moïse, il a dû lui prouver qu’il avait les moyens de le faire changer d’avis, un peu comme toi en 90, quand pour dégoter la permission de minuit, tu devais t’agripper à la jambe de ta mère, ton dernier bulletin de notes entre les dents. Pharaon, comme ta mère restera intraitable. Alors que toi tu menaçais de te suicider en avalant une boîte de Doliprane 1000, Moïse a demandé de l’aide à Dieu. «Bon moi j’ai fait ce que tu m’as dit, il veut rien entendre l’autre. Je fais quoi là moi ?».
Dieu, à ce moment-là, il a dû lui refaire une séance de coaching : « Tu te calmes, déjà. Moïse, si je t’ai choisi, c’est parce que je saisque tu peux y arriver. Abraham aussi, il a eu du mal au début. Fais-moi confiance, j’ai le pif pour dénicher des talents. Et puis par pitié, arrête de paniquer, je suis là ».
Moïse : où là ?
Dieu : « Je suis ici, là, partout à la fois. En haut, en haut, en bas, en bas. À droite, à gauche et tout autour. Ça ferait une bonne chanson à ma gloire ! ».
 
Pharaon était un peu têtu, autant que mon frère quand il n’a pas la main au casino mais qu’il s’obstine jusqu’à 4h du matin, pour repartir pressé comme un citron. Dieu a dû envoyer 10 plaies au peuple égyptien pour faire plier son souverain. En voyant arriver chaque plaie, pharaon a fait comme toi pour les relances EDF, il a fait genre « je m’en tape » en sachant très bien que ça ne ferait que reculer l’échéance.
 
Ensuite, Moïse s’est coltiné les Hébreux dans le désert pendant 40 ans. Et je peux te dire que c’était pas des vacances. Tel un moniteur, débordé par des gosses mal élevés à qui personne n’a dit que leurs parents les avaient envoyés en colonie pour se retrouver un peu tous les deux, Moïse fait preuve de beaucoup de patience.
 
En redescendant du Mont Sinaï avec les Tables de la Loi, Moïse a débarqué dans un bordel sans nom. « En gros, je peux pas vous laisser deux minutes tout seuls ! »
Un hébreu : t’es parti 40 jours, nous on a commencé à s’ennuyer.
Moïse : vous me faites chier, j’en ai plein le dos !
Là, Moïse a été voir Dieu pour jeter l’éponge…
Dieu : mais pourquoi ?
Moïse : j’en ai marre, ils comprennent rien. Je sais pas comment tu les as choisis, mais si tu comptes sur eux pour faire régner ta loi sur le monde, t’es pas rendu…
Dieu : et je fais comment moi ?
Moïse : Josué fera l’affaire.
Dieu : Josué c’est pas toi. Moi j’aimais bien notre équipe.
Moïse : moi aussi mais là je sature. Je les laisse à la frontière. Et par pitié, enterre-moi dans un endroit secret où personne ne pourra venir.
Dieu : tu ne peux pas démissionner ! Je suis Dieu, on ne démissionne pas du service de Dieu !
Moïse : dis leur que tu me punis.
Dieu : tu vas me manquer…
 
On ne sait pas quand Moïse est mort. On ne sait pas où il est enterré. J’espère juste que de là où il est, il ne voit pas toutes mes copines qui partent passer Pessah au Princess, à quelques mètres de la frontière égyptienne, ce qui est aussi débile qu’emmener un cheval en promenade autour de l’usine Spanghero.
 
The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
 

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Article publié le 27 mars 2014. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2014 Jewpop

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