YidLife Crisis, savoureux humour juif de Montréal… en yiddish !

9 minutes de lecture

 
De quoi plaire à ceux qui voient des Juifs partout, à ceux qui en sont et à ceux qui n’en sont pas… peu importe. YidLife Crisis, c’est la websérie humoristique et très montréalaise qui plait à tous, y compris à certains rabbins (preuve à l’appui) et aux shiksas francophones!
 
Depuis l’automne dernier, les quatre épisodes de la série, rythmés par la musique de Socalled, ont été postés et repostés sur les réseaux sociaux des centaines de fois. Leurs créateurs, Eli Batalion et Jamie Elman, deux Montréalais d’origine, voulaient rendre hommage à la langue yiddish, mais d’une manière novatrice. Certes, pour les Ashkénazes séculiers, cette langue est dorénavant associée au passé, de sorte qu’elle fait souvent l’objet de discours nostalgiques, notamment chez les personnes assez âgées dont ce fut jadis la mame-loshn. Pour Batalion et Elman cependant, le yiddish est une langue savoureuse et colorée, qui se prête fort bien à l’humour juif et à la comédie. Avec la série YidLife Crisis (classée « Chai+ »), dont le titre évoque la crise de la quarantaine chez les Juifs, les créateurs relèvent avec brio un défi colossal, celui d’ancrer le yiddish dans la réalité sociale et culturelle de la Montréal contemporaine.
 
Il s’agit d’un projet pour le moins pertinent, puisque la métropole québécoise fut jadis le deuxième grand foyer de la culture yiddish en Amérique du Nord, où la langue yiddish elle-même était la troisième la plus importante après le français et l’anglais dans les années 1930. Pour y parvenir, Batalion et Elman ont choisi de s’intéresser à des sujets simples qui présentent un intérêt universel : la nourriture, le sexe, les drogues, le lait et la viande… et la ville, pour en nommer les principaux. Mais ne vous en faites pas si vous ne comprenez pas le yiddish : les épisodes sont entièrement sous-titrés en anglais – et tout récemment en français.
 

 
Le sous-titre de la série, “Sexe, drogues, lait & viande. En yiddish”, annonce clairement le propos des protagonistes Chaimie et Leizer, deux juifs d’aujourd’hui qui ont une vision du monde et du respect de la tradition pour le moins opposée. Ceux-ci se promènent dans le Mile-End, un quartier multi-ethnique et artistique où habitent nombre de Hassidim, et ils se déplacent d’un restaurant à l’autre, du delicatessen Lester’s à la boutique Fairmount Bagels, jusqu’au restaurant de souvlakis grecs Arahova. Le premier épisode, l’un des plus réussis, se déroule dans le casse-croûte La Banquise, un célèbre restaurant de poutine de Montréal ouvert 24 h, et cela, depuis 1968. La poutine, vous ne connaissez pas ? Il s’agit d’un mets délectable (hum !) de frites bien grasses, de « crottes de fromage » et de sauce brune, et dont on retrouve plusieurs déclinaisons dans ledit restaurant, de la Classique à la Tex-Mex, en passant par la Reggae et la Boogalou (avec porc effiloché). Dans le premier épisode, les deux compères se rencontrent le jour du Yom Kippour, et ils discutent avec ferveur en yiddish lorsque la serveuse sexy et francophone (excellente Léane Labrèche-Dor) vient prendre la commande. Il en résulte une atmosphère très québécoise, ponctuée d’interactions culturelles inusitées, et où le mélange pour le moins inattendu du yiddish et du français produit une scène hilarante.
 
Le 11 décembre dernier, le Centre Segal des arts de la scène de Montréal a accueilli l’événement YidLife Crisis. C’était une soirée « de niaiseries et de narishkaytn » au cours de laquelle le public s’est amusé du début à la fin. Pour ma part, j’ai animé en français la période de questions, en compagnie de Batalion, Elman et Labrèche-Dor, ainsi que du rabbi Poupko, qui a fait l’animation en anglais. Comme je l’ai dit aux créateurs sur la scène en parlant de leur série, S’iz oysergeveyntlakh ! C’est extraordinaire ! Déjà, à la fin de la soirée, une question était sur toutes les lèvres : mais quelle sera la suite ?
 
Pour le moment, l’accueil critique des médias anglophones et francophones de Montréal est très positif, ce qui réjouit au plus haut point les deux créateurs. Ceux-ci présenteront leur série au festival Come:Dy for a Change, qui se déroulera à la Cinémathèque de Jérusalem les 21 et 22 décembre prochains. Batalion et Elman travailleront bientôt à la suite de la série. D’après les rumeurs, il serait question, dans les prochains épisodes, de restaurants chinois, du Jewish Hospital et… d’autres shiksas francophones. Soyez à l’affût !
Chantal Ringuet aka Di goldene shiksa
 
À propos
Jamie Elman est comédien et vit aujourd’hui à Los Angeles. Certains le reconnaîtront peut-être grâce à ses apparitions dans Mad Men et dans les films When Nietzsche Wept (Et Nietzsche a pleuré, dans lequel il jouait le rôle du jeune Sigmund Freud) et Shattered Glass (Le Mystificateur, dans lequel jouait aussi Chloë Sevigny).
Eli Batalion, quant à lui, est un « animal hybride » qui travaille notamment dans le domaine des médias. Il aime la comédie, les films et la télévision.
Tous deux ont produit la série YidLife Crisis avec Philip Kalin-Hajdu.
 
Quelques liens et références
Le site YidLife Crisis
Voir les 4 épisodes
 
Sur le Montréal yiddish :
Chantal Ringuet, À la découverte du Montréal yiddish, Montréal, Fides, 2011.
Chantal Ringuet, Voix yiddish de Montréal (anthologie), Moebius, no 139, Montréal, 2013.
Pierre Anctil, Saint-Laurent. La Main de Montréal, Sillery, Septentrion, 2002.
Pierre Anctil, Sherry Simon et Norman Ravvin, Traduire le Montréal yiddish/New Readings of Yiddish Montreal, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2007.
 
Sur le hip-hop yiddish de Socalled
© photos : Darren Curtis

Article publié le 16 décembre 2014. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2014 Jewpop

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