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À l'occasion du colloque JCall "Israël, la démocratie menacée ?", Anny Dayan Rosenman et Izio Rosenman répondent aux questions de Jewpop

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Samedi 28 avril, la mairie du 4ème arrondissement de Paris accueille un colloque intitulé « Israël, la démocratie menacée ? » organisé par JCall,  le « réseau juif européen pour Israël et pour la paix ». Une journée de débats et conférences autour de thématiques d’actualité en présence de plusieurs intervenants israéliens, parmi lesquels le député du Camp sioniste Omer Barlev et l’avocat et écrivain Yshaï Sarid.

 

colloque JCall

 
Anny Dayan Rosenman et Izio Rosenman, membres du Bureau de JCall, ont répondu à cette occasion aux questions de Jewpop.
 
Jewpop : En préambule du colloque « Israël, la démocratie menacée ?  » organisé par JCall, le texte de présentation de la journée de débats et conférences souligne qu’un « vent mauvais souffle en Israël, qui met en danger les fondements même de cette démocratie ». Quelles sont précisément ces « forces extrémistes et nationalistes » que vous pointez du doigt ? 
 
Anny Dayan Rosenman et Izio Rosenman : Pour nous, il ne s’agit pas de pointer du doigt tel ou tel groupe extrémiste, même si malheureusement il y en a de plus en plus et s’ils ont de plus en plus de pouvoir. Le but de ce colloque est plutôt d’alerter ceux qui sont attachés à Israël en tant qu’État juif et démocratique sur une situation qui devient préoccupante. Il s’agit aussi de mettre en lumière l’action des forces qui, en Israël, défendent cette démocratie. Nous voudrions susciter chez les Juifs de Diaspora une prise de conscience et un sursaut en défense de leur combat, et en défense de cette démocratie dont les Israéliens et les Juifs du monde entier ont toujours été fiers, à juste titre.
Ceci dit, il est vrai que depuis quelques années l’extrême-droite et une partie de la droite n’arrêtent pas de proposer des lois qui constituent des restrictions et des entraves au fonctionnement de la démocratie. Et malheureusement, de plus en plus souvent, elles arrivent à les faire passer. Certains font partie du Likoud de Benyamin Netanyahu, d’autres appartiennent à des partis d’extrême-droite comme Habayt Hahyehudi (La Maison Juive), parti qui est le porte-parole officieux des colons, dirigé par Naftali Benett, qui malheureusement est en même temps le ministre de l’Éducation.
Ces tentatives, nous pouvons les repérer dans différents domaines. Ainsi on voit se multiplier les attaques dirigées contre la Cour Suprême, qui est devenue une véritable cible. On voit remettre en question ses pouvoirs et même sa composition, on voit contester ses décisions : ainsi une loi est en discussion à la Knesset. Cette loi, si elle était adoptée, permettrait de passer outre à l’opposition de la Cour Suprême à des lois qu’elle jugerait opposées aux Lois Fondamentales d’Israël ou aux droits de l’homme. Autre exemple de tentative : une proposition de loi concerne la police qui n’aurait plus le droit de divulguer les enquêtes concernant les dirigeants politiques importants, dont le Premier Ministre, dans les affaires de corruption.
Au niveau de la presse, le journal financé par Sheldon Adelson, qui défend la politique du gouvernement, qui est distribué gratuitement à 100 000 exemplaires, et qui constitue une publicité gratuite et quotidienne pour Benjamin Netanyahu. On pourrait encore citer les pressions exercées sur le gouvernement pour annuler la création d’un espace de prière pour les femmes devant Le Mur des Lamentations, qui avait pourtant été acquise. De même que la non-exécution de la loi concernant le service militaire obligatoire pour les étudiants des Yeshivot, une loi qui pourtant avait déjà été votée, et dont la non-application est critiquée par la Cour Suprême.
Enfin, alors que la liberté de la presse et des médias, et de la création artistique, était l’une des caractéristiques de la démocratie israélienne, on voit dans ce domaine aussi apparaître des ingérences qui n’auraient jamais eu lieu il y a quelques années. Ainsi, la ministre de la culture, Miri Regev qui s’attaque au film Foxtrot, présenté à la Mostra de Venise, et projeté à l’ouverture du Festival du cinéma israélien à Paris. Elle a demandé à l’ambassade d’Israël en France de ne pas assister à la projection du film, après avoir essayé de faire retirer les subventions à ce festival qui l’avait projeté. De même qu’en Israël, elle refuse d’allouer des subventions aux troupes de théâtre qui ne veulent pas aller jouer dans les territoires occupés.
Il s’agit là de signes repérables dans différents domaines de la vie publique et politique israélienne, mais additionnés les uns aux autres, ils fonctionnent comme un signal d’alarme pour l’avenir. D’autant plus que ces victoires anti-démocratiques sont souvent le résultat de marchandages électoraux, où pour maintenir la coalition au pouvoir, on donne à des groupes et des partis minoritaires des gages exorbitants, où le gouvernement s’aligne sur leurs exigences qui affaiblissent la démocratie
 
Jewpop : Tout en soulignant le fait qu’Israël reste l’unique démocratie de la région, vous présentez le risque de voir ce pays se transformer en « démocratie illibérale », à l’image de certaines nations européennes. Comment expliquez-vous cette possible évolution ? 
 
A.D.R. & I.R. : Il faut en effet rappeler qu’Israël est la seule démocratie de la région, et que cette démocratie fonctionne depuis la création de l’État. Comme le dit la célèbre formule de Churchill aux Communes : « on a pu dire qu’elle était la pire forme de gouvernement à l’exception de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps ». L’un des aspects les plus inquiétants des démocraties dites illibérales, comme la Hongrie de Victor Orban ou la Pologne de Jaroslaw Kaczynski, est leur tendance à réduire ou à supprimer l’indépendance du système judiciaire par rapport au pouvoir politique.
Une évolution qui, en Israël, est due principalement aux effets de l’occupation et de la colonisation. Car les projets des colons sont contrariés par le pouvoir de la Cour Suprême, qui est l’ultime recours contre certaines mesures prises sous la pression de ces colons, notamment la confiscation de terres palestiniennes privées pour la construction d’implantations « sauvages ».
Nous ne pensons pas qu’Israël est désormais une démocratie illibérale, mais il est vrai que c‘est une tentation forte et un vrai danger. Benyamin Netanyahu vient d’ailleurs de féliciter Victor Orban pour sa victoire aux élections et l’a invité en Israël. Oui, les démocraties doivent être protégées ; elles ne sont jamais acquises une fois pour toutes comme on le croyait, il faut être vigilant.
 
Jewpop : Après 20 années de gouvernance de Benyamin Netanyahu, la majorité des Israéliens ont objectivement adoubé sa politique, dénoncée par Shalom Arshav en Israël et JCall en Europe. La voix de ces mouvements, largement minoritaires aujourd’hui, peut-elle encore porter alors que le parti travailliste, avec à sa tête Avi Gabbay, semble vouloir orienter sa formation plus à droite pour renforcer sa position auprès des électeurs ? 
 
A.D.R. & I.R. : Qu’il y ait un glissement à droite de l’ensemble de la société israélienne, c’est indiscutable, comme dans la société française ou en Europe d’ailleurs. Mais un glissement à droite ne veut pas dire automatiquement une remise en question de la démocratie. Une grande partie de la société israélienne tient à sa démocratie, elle la défend. Et cette défense peut transcender l’appartenance à tel ou tel parti politique, sauf pour l’extrême-droite.
Il faut noter qu’au sein du Likoud, il y a des membres, et non des moindres, qui expriment leur opposition à ce qui se passe : le président Reuven Rivlin, ou des hommes de la droite traditionnelle comme Benny Begin ou Dan Meridor, ont à plusieurs reprises manifesté leur inquiétude. Il faut ajouter que l’opposition à certains aspects de la politique de Benyamin Netanyahu ne sont pas l’apanage de mouvements comme La Paix Maintenant. Des avertissements de plus en plus clairs viennent de personnalités appartenant aux rouages essentiels de l’État, ayant occupé des postes-clés et qui n’ont jamais été marquées à gauche.
Presque tous les anciens responsables du Shin Bet et du Mossad expriment leur inquiétude, comme on peut le voir dans le documentaire Gate Keepers. Le groupe Commanders for Israel’s Security est composé d’anciens hauts responsables de l’armée et des Services de renseignements. Un groupe d’anciens ambassadeurs, dont deux anciens ambassadeurs d’Israël en France, expriment très clairement leur désaccord avec la politique du gouvernement actuel. L’Institut pour la démocratie, un Think Tank qui analyse la société israélienne, conduit un travail remarquable au cœur de la société civile.
Et puis il y a tous ceux qui participent à la culture florissante du pays, les écrivains, les journalistes, les cinéastes, les acteurs. Il y a aussi des associations appartenant à la société civile du pays : des groupes de mères, de femmes pour la paix, ou de familles endeuillées. Mais leur combat pacifique et responsable n’est pas assez connu, pas assez reconnu en Europe. Notre projet, avec ce colloque, est aussi de les faire connaître, de faire entendre leur voix.
 
Jewpop : Quelle réponse apportez-vous à ceux qui estiment qu’aucun partenaire palestinien n’est aujourd’hui crédible pour engager un processus de paix ?

 
A.D.R. & I.R. : Il est vrai que la situation semble bloquée des deux côtés. Mais il faut se souvenir que les gouvernements successifs de Benyamin Netanyahu n’ont pas cessé d’affaiblir l’Autorité palestinienne par la continuation et l’accentuation de la colonisation, mais aussi par des mesures qui touchent à la vie quotidienne des Palestiniens de Cisjordanie.
La solution du conflit israélo-palestinien est une question qui a toujours concerné JCall depuis sa création. Nous avons toujours milité pour la solution « deux peuples, deux états ». La seule à même de préserver le caractère juif et démocratique de l’État d’Israël. Cette solution est encore possible, bien que chaque jour plus difficile.
Mais le colloque que nous organisons le 28 avril a une autre ambition. Il veut évoquer une autre urgence, même si, bien sûr, tout est lié et s’il y a des interactions inévitables. Pour nous, il s’agit prioritairement du danger qui menace la démocratie israélienne à l’intérieur de ses frontières. C’est une menace qui vient de certaines forces politiques israéliennes qui veulent s’affranchir des règles démocratiques. Et qui pour certaines ne veulent pas d’une démocratie, mais d’une société régie par la loi juive religieuse, la Halakha.
Pour conclure, vous aurez remarqué que nous avons ajouté au titre de notre colloque un point d’interrogation. Car la bataille est loin d’être perdue, la société civile et certaines forces politiques restées fidèles aux idéaux qui ont présidé à la création de l’État réagissent avec vigueur. Il s’agit de demander aux Juifs de la diaspora s’ils veulent leur apporter leur soutien.
 
Entretien réalisé par Alain Granat pour Jewpop
 
Anny Dayan Rosenman est Maître de conférence de Littérature à l’Université Paris-Diderot. Ancienne animatrice de l’émission ‘l’Histoire à la Lettre » sur Judaïques FM, elle est membre du Bureau de JCall.
Izio Rosenman est Directeur de Recherches au CNRS (Retr.), Rédacteur en chef de la Revue Plurielles et membre du Bureau de JCall.
 
S’inscrire en ligne pour le colloque JCall
 
Mairie du 4ème arrondissement de Paris, 2 place Baudoyer 75004 Paris (métro Hôtel de Ville)
 
© photos : DR

Article publié le 25 avril 2018. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2018 Jewpop
 
 

2 Comments

  1. JCall&JStreet essayent de lutter de l’éxterieur contre un gouvernement démocratiquement élue et critiquent de partis et de pérsonalités qui en font partieù alors qu’ils vivent dans le confort de l’occident et n’ont pas l’intention, pour la majeur parti d’aller y vivre un jour, comme le couple qui nous parle ici.C’est le complexe diasporique « Je suis un bon juif, meilleur que vous la bas etnon seulement je vous dis comment faire, j’essaie de vous y forcer.

  2. Les habitants de la Terre Sainte des Juifs, « Palaestina » nommée ainsi par les Romains, qui ne veulent pas vivre ensemble sont ceux qui font le choix de la séparation: « deux états, deux peuples ». C’est une solution hypocrite, la moins courageuse, dénué de sens, celle qui entretiendra la haine de l’autre… Il faut que les sages des deux côtés travaillent, se battent, pour un pays où les deux peuples viveront ensemble comme le font certains peuples européens. Ce pays à deux peuples sera une démocratie juive et sera organisée par les Juifs pour tous ceux qui habitent le pays, aussi longtemps que les pays voisins basent leurs droits sur la Charia. Les Israéliens ont déjà l’habitude de vivre une telle démocratie avec des non-Juifs, des homosexuels, des déplacés et des illégaux, comme en Europe où existent des démocraties (chrétiennes, sociales, libérale, populaire)… Certains états musulmans se prétendent être des démocraties… Pour y arriver il faut que l’ONU sache que ce ne sont pas les Juifs qui ont colonisé la presque totalité de la planète, mais bien les Chrétiens et les Musulmans; ceux-là mêmes qui prétendent que les juifs colonisent un pays sur lequel ils ont aucun droit (pourtant une terre avec lequel les Juifs ont un lien historique et religieux), une terre colonisée depuis 1300 ans par des Arabes christiano-muzulmans, ceux qui ont déclaré la guerre aux Juifs en 1948 pour avoir enfreint au Pacte d’Omar (que seul les Chrétiens byzantins et croisés avaient signés). Pour arriver à la paix il serait donc util que l’ONU (et surtout les gouvernements des pays musulmans) instruise les jeunes du monde entier et leurs parents que l’Islam aussi a colonisé sa part du monde. La plupart de problèmes actuels résultent de la colonisation chrétienne et musulmane du monde !

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