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Alfred Dreyfus : “C'est la revanche de Maurras !“

8 minutes de lecture

Suite à la catastrophique cérémonie des César 2020, Jewpop a décidé de donner la parole à ce reliquaire manufacturable dont tout le monde parle sans qu’il se fasse prier, mais que personne ne consulte, le capitaine Alfred Dreyfus. Exclu.

Jewpop : Alfred Dreyfus, vous êtes né en Alsace, aujourd’hui la France et l’Allemagne appartiennent à une grande communauté en paix. Comment réagissez-vous aux propos de Virginie Despentes dans Libération ?
Alfred Deyfus : Je dois admettre que tout cela est un peu cocasse. Déjà à l’époque, Urbain Gohier, l’éditeur du Protocole des Sages de Sion, se disait dreyfusard, tandis que Theodore Herzl crût d’abord à ma culpabilité. Je suis devenu en très peu de temps le symbole de toutes les contradictions françaises, à la fois une victime expiatoire et un beau sujet de guerre pour replonger l’Europe dans une course technologique passionnante dont tout le monde rêvait depuis 1870. Imaginez ce que représentait pour les premières armées du monde qu’étaient la France et l’Allemagne la production de masse de l’avion, du char, de la radio, du sous-marin… Concernant Virginie, son style pompier n’est pas pour me déplaire et me rappelle le Paris que j’aime, celui de Pigalle où La Goulue – alsacienne comme moi –  réenchantait notre triste époque.

Jewpop : Vous voulez dire que vous comprenez qu’on boycotte ainsi un film qui retrace votre calvaire et alerte sur le retour de l’antisémitisme ?
A.D. : Alors concernant l’antisémitisme, je ne suis pas certain que nos deux époques soient comparables. Au fond, mon histoire a toujours servi de chiffon rouge pour réveiller les frustrations, après la révolution bolchévique, la défaite de 1940, la guerre d’Algérie, Mai 68 ou aujourd’hui le 49-3. Comme Jeanne d’Arc et les hirondelles, je reviens toujours au printemps consoler les âmes éplorées par la sinistrose.

Jewpop : Que pensez-vous au fond de Roman Polanski ?
A.D. : Il me rappelle un peu ces juifs polonais qui arrivaient gare de l’Est dans les années 30, pleins d’espoirs et « heureux comme Dieu en France », mais déçus que la république leur inflige d’oublier leurs dogmes, de parler français et de s’assimiler. Le choc a été trop violent pour certains qui s’encanaillèrent à la « vitesse de l’Orient Express ».

Jewpop : On peut dire aussi qu’à votre époque, la pédophilie est un non sujet ?
A.D. : Détrompez-vous, Léon Blum a écrit un livre édifiant pour démontrer que l’absence d’éducation sexuelle entrainait toutes les dérives que vous rencontrez encore aujourd’hui.

Jewpop : Qu’avez-vous à dire à tous les juifs complètement paumés, dont je suis, qui s’arrachent les cheveux après cette polémique ?
A.D. : Et bien de passer à autre chose. Le vieux sage Serge Klarsfeld a bien raison de noter que ce film est bourré d’erreurs historiques.

Jewpop : Que faire de la courageuse Adèle Haenel ?
A.D. : Tout cela est étourdissant. Les conspirationnistes les plus obsessionnels y verront un complot du lobby féministo-pédophilo-sioniste, en particulier à la vision de la bande annonce du film de Mr Oizo Le Daim, où l’on retrouve côte-à-côte Adèle Haenel et Jean Dujardin. Ce film « French Touch » animalier ressemble à la suite de Naissance des Pieuvres, dont Paraone signa la bande originale, et très bien réalisée, selon moi.

Jewpop : Ah ouais… vous kiffez l’electro, Alfred ?
A.D. : Absolument, j’ai découvert l’électricité à l’exposition universelle de 1900. C’était épatant. Et pas bégueule pour un clou mon vieux. J’ai commandé le livre de Pedro Winter Travail Famille Party et le 78 tours de Sébastien Tellier My God is blue, dont le clip Cochonville, avec les musiciens grimés en sbires du Ku Klux Klan, me fait pouffer.

Jewpop : Que pensez-vous des Misérables de Ladj Ly ?
A.D. : J’ai toujours eu un faible pour les épopées. Le romantisme hugolien teinté de mysticisme parle à tout le monde depuis 150 ans. Bon, on oublie de dire évidemment qu’Hugo fut l’un des plus importants représentants de la Restauration et le poète officiel au sacre de Charles X, père de toutes les idéologies racialistes qu’on appelait à l’époque, les ultra royalistes. Ce terme n’effraie aujourd’hui plus tellement.

Jewpop : Que pensez vous de cette pensée du « on se casse », selon laquelle la révolution se ferait aujourd’hui par le retrait ?
A.D. : Le retrait de l’être est la condition sine qua non de la volonté de puissance, disait le philosophe Martin Heidegger. C’est l’ « époque » qui veut ça. Epoké, en grec, qui signifie d’ailleurs « retrait ».

Jewpop : Bon, dites nous la vérité Alfred, avant l’Affaire, comme Marcel Proust et Emmanuel Berl, et pour avoir rejoint l’armée, vous deviez bien être un peu fana-mili et réac, non ?
A.D. : Bien au contraire, comme vous y allez ! Ce n’est pas parce que la Shoah n’a pas encore eu lieu que je ne peux pas vous attaquer pour négationnisme, espèce de schmock ! Sérieusement, toute cette affaire, c’est la revanche de Maurras !

Propos recueillis par Alexandre Gilbert

© photo :  DR

Article publié le 5 mars 2020. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop
 

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