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L’année où le monde a fait son nettoyage de Pessah

7 minutes de lecture

À l’approche de Pessah, les juifs du monde entier s’attèlent au grand nettoyage de leur maison. Cette année, peut-être qu’ils ne seront pas les seuls…

“ Merde, regarde toute cette poussière” me dit mon père en allant chercher l’aspirateur.
– Mais c’est génial la poussière Papa.
“ Hein ? ” (il est un peu sourd)
– C’est génial la poussière !
Il s’arrête, me regarde depuis le bout du couloir et me demande “pourquoi” d’un geste de tête.
“ Ça nous oblige à bouger ”.
“ Ah ”, m’a-t-il dit, comme ça, sans ponctuation.

Bien que mon père soit resté stoïque, je suis convaincu que cette causalité est essentielle. C’est un peu comme quand mon pote me racontait les envies qui le démange lorsque sa copine n’est pas là. “Je sais qu’en vérité ce n’est pas de ça dont j’ai envie, mais il y a ce démon-là qui veut que j’envoie du sale”. Je lui avais répondu : “Mais tu sais, ce démon c’est ton meilleur ami, il est là pour t’indiquer tes plus grandes faiblesses. Pas pour que tu tombes, pour que tu t’élèves.”.

À l’époque j’étudiais la Torah à Jérusalem. C’est le concept du Yetsir HaRa, le mauvais penchant. Son rôle est crucial : sans lui, comment saurions nous identifier les défis à relever afin de parfaire notre âme ? Il émane directement de nos problèmes et personne n’y échappe. De la même manière que la mafia organisée s’est créée en usant d’un système monétaire déjà mis en place par les états et les banques.

C’est également ce que j’ai étudié à la fac, les deux seuls mois de ma vie où j’ai étudié à la fac. “Le diable et le mal dans la littérature du 19ème siècle” (Lettres-Modernes. Ne me demandez pas les autres matières). Le diable, ce sheitan, c’est notre mauvais penchant qui n’est victorieux que dans la défaite. Ou pour citer un autre monument du genre : “Je suis cette force qui toujours veut le mal, et toujours fait le bien”.

Transposé à notre histoire, cela revient à dire que la poussière déclare : il est temps de balayer. Mais on a “quand même bien la flemme”, nous chuchote le mauvais penchant. Vous conviendrez que c’est un moindre mal. Certains volent et tuent sous l’influence du mauvais penchant.

Peut-on trouver plus grande vacherie que d’enfreindre un des dix commandements de Moïse ? Mais le vol et le meurtre c’est assez évident pour (presque) tout le monde, surtout pour les voleurs et les tueurs qui, la plupart du temps, savent très bien ce qu’ils font.

Un commandement plus subtil et plus cohérent dans notre histoire poussiéreuse concerne l’idolâtrie. Qu’est-ce que l’idolâtrie ? Se prosterner devant une idole ? L’argent peut être, pour ne citer que lui ? On entend souvent “ image ” à la place d’“ idole ”. Qu’est-ce qu’une image sinon une chose fixe, immobile, figée ? Un instant-ané. Une statue, d’accord, mais un mot aussi. Un concept, un système, une maison, un titre. Une idéologie ?

Il y a des systèmes qui régissent nos vies. De bon systèmes, comme le système respiratoire, celui-là c’est vrai qu’on ne peut pas s’en passer, c’est peut-être pourquoi nous l’ignorons le plus possible, par prudence. Sauf les bouddhistes évidemment, ces putains d’idolâtres de l’Est, ainsi que les profs de yoga.

Il y a des systèmes plus problématiques. Par exemple l’esclavage. Par exemple celui des enfants noirs dont le rôle sur terre est de rentrer dans des mines insalubres pour en extraire les matériaux qui seront envoyés aux enfants jaunes afin de construire des écrans qui serviront bien trop souvent à abrutir les enfants blancs (ce même écran que je dénonce mais que j’utilise, paradoxal abruti d’enfant juif que je suis).

Une âme habituée à ce système-là c’est une catastrophe. Mais des millions d’âmes ? C’est une Shoah. Nous savons pertinemment que ce n’est pas bon pour nous. Nous ne l’avons pas toujours su comme il faut mais vraiment, vraiment, là, on le sait. On a quand même bien la flemme de balayer malgré tout.

Alors quand je dis que c’est génial la poussière, je le pense. Parce que sans la poussière, peut-être serions-nous moins mobiles. Et l’immobilité est un vilain penchant, ça tue. Ça tue plus que les accidents de la route. Dans la sérénité du confinement où apparaissent des carences en activités pas forcément essentielles, on remarque plus vite la poussière.

Il est temps de dépoussiérer notre maison.

Shimon Znaty

Copyright visuel : Shimon Znaty / DR

Article publié le 8 avril 2020. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2021 Jewpop

1 Comment

  1. Journal de confinement, quatorzième année, jour 11
    Plus rien ne sera comme avant !
    – « Rabbi, Rabbi ! J’ai péché, j’ai mille fois péché !! »
    – « Mon petit Hanouna… quel est donc ce tourment qui t’amène dans ma synagogue ? »
    – « Il y a cet homme : il est pauvre et n’a que peu de possessions, il est seul et vit dans un modeste logis,
    mais pourtant je l’ai volé, humilié, forcé à travailler pour moi, je l’ai traité comme nous fûmes traité dans l’Histoire !!
    Rabbi ! Que puis-je faire ? »
    – « Mmm, je comprends… va voir cet homme, prosterne toi devant lui comme s’il était ton père et implore
    son pardon… mais surtout : paye lui ses salaires, les heures supplémentaires, les droits d’auteur, les indemnités, les congés payés,
    la mutuelle, les factures, les emprunts, un nouveau logis et toutes les réparations qu’il mérite pour le mal que
    tu lui as fait… plus grande sera ta contribution, plus grand sera le pardon »
    – « Oui Rabbi, mais… Que puis-je faire si je ne veux pas ? »
    …que pessah soit sur vous mais pas sur lui.

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