Nicolas Bedos écrivait sa semaine mythomane, voici mon week-end pascal mythomane.
Vendredi
Vendredi, me voici en gare de Lyon avec un train pour Nice à 6h45 (merci maman qui m’a gentiment pris les billets). Va expliquer à ton employeur que ta mère et les fêtes catholiques, ça fait deux, mais que par contre tu seras là lundi : oui, c’est aussi utile qu’un scrutin de LREM, parce que lundi c’est férié ! Donc je m’installe sur mon siège en première classe (qui est la même chose que la seconde classe, mais avec des sièges rouges, waouh). Je ne peux que constater, dès lors, les progrès réalisés par la SNCF en 70 ans pour ma communauté. Bel effort.
Mais rassurons-nous, même la première classe est bourrée de crétins : «excusez-moi monsieur, vous êtes à ma place non ?». Me voilà balbutiant tel Véronique Genest sur le plateau de Laurent Ruquier, parce que moi aussi je suis fatigué bordel, il est 6h du mat. Laissant ma place au mec qui préfère me faire chier plutôt que de prendre la place dans le wagon d’à-côté, parce que non c’est SA place (ça va, on avait compris), je me dirige donc vers mon nouveau siège, où un petit garçon a gentiment décidé d’apprendre sa poésie par cœur mais… à haute voix. Au bout de 6 heures j’ai envie d’étrangler ce petit connard, «Albatros, vastes oiseaux des mers qui suivent indolents compagnons de voyage… », bordel c’est pas si difficile à retenir, j’en ai la migraine. C’est pire que 5 seder d’affilée, et le môme y met autant d’ardeur qu’un acteur de Plus belle la vie, c’est l’enfer.
Le train entre enfin en gare, sur les murs des tags appellent à l’union nationale, «Votez FN» : pas de doute, je suis bien à Nice. Seule consolation du vendredi, la récompense suprême, les fameuses boulettes de ma grand-mère. Dans la cuisine, j’ai l’impression d’être un acheteur de came dans la cité phocéenne, c’est limite si mamie ne me sifflote pas pour m’interpeller «wesh, tu veux une boulette mon fils ?». J’espère juste ne pas me faire coincer par la Brigade des keftas, j’ai nommé ma mère.
Samedi
Samedi mon père à décidé de m’emmener à la synagogue «parce que c’est la fête, alors j’avance et tu me rejoins, dépêche-toi, si y’a pas minyan, je t’esquinte !». Arrivé devant le bâtiment, les amis de la communauté ont eu la bonne idée de mettre un code d’entrée manuel à la porte. Super, me voilà poireautant devant la syna en attendant qu’un fidèle vienne m’ouvrir. Enfin le voilà, «vous voulez rentrer ici ? Mais qui êtes vous ? Vous êtes de la communauté ? Vous savez ici c’est pour les juifs». C’est quoi cet interrogatoire ? J’ai l’impression d’être Mokhtar Belmokhtar qui aurait décidé de se faire un Paris-Bamako avec Air France. Mais enfin, il m’a reconnu, «tout le portrait de ton père Serge» (mon père s’appelle Élie mais bon…). J’entre et le Élie en question me lance un regard qui veut dire «t’es en retard», je lui réponds avec un regard qui veut dire «oui mais y avait déjà minyan» (c’est comme ça avec mon père on parle en regard).
À midi c’est punition suprême : dafina. Ma grand-mère, fière d’elle, m’explique qu’elle l’a faite mijoter toute la nuit. Je comprends mieux l’aspect liquide et jette un regard à mon père qui veut dire «on va morfler», ce auquel il me répond par un regard résigné «bon courage». Cependant, je ne permettrai à personne de critiquer la daf de ma grand-mère, qui est la meilleure du monde, OK ?! Je passe toutefois l’après-midi en tête à tête avec mon estomac qui ne cesse de me crier «pourquoi tu m’as fait ça, gros méchant ?».
À peine remis, ma sœur entre dans ma chambre façon Pretty Woman :
«On sort en boîte, tu viens ? ».
«Non franchement Mel, sérieux, là je le sens pas». Mon père me lance un regard qui veut dire : «tu l’accompagnes et tu la surveilles en plus». Auquel je réponds par un autre regard qui veut dire : «ok, j’ai perdu».
Dimanche
Dimanche, pendant que la majorité de mes compatriotes se régalent d’œufs en chocolat, une question me taraude : qui a inventé la Rosinski ? Qu’on n’aille pas me dire qu’un pain qui n’a pas levé ressemble à ce truc quand même (à part si tu fais des trous dans ton pain). Je me dis que si le pain azyme de nos ancêtres sortis d’Égypte ressemblait à ça, ils l’auraient au moins laissé aux pharaons pour qu’ils s’étouffent avec. Je reste donc persuadé que Rosinski est un ashkénaze qui a confondu «tsadik» et «sadique». Il s’est fait le plaisir vicieux d’inventer cette galette pour pourrir les milliers de générations futures du peuple juif. Ma grand-mère me fait remarquer qu’en plus c’est un récidiviste, il avait inventé le klops et le gefilte fish.
Me voilà me promenant en bord de mer ayant abusé des bienfaits de l’invention de monsieur Rosinski. Je me sens aussi périmé qu’une vanne sur DSK, quand mon père me lance un regard triste qui veut dire : «ça y est, c‘est fini la mer et le soleil, tu vas rentrer à Paris et nous laisser seuls ta mère et moi» (oui y avait tout ça dans son regard). Arrivé à la gare, j’entre dans mon wagon, la veste trempée par le verre d’eau que m’a lancé ma mère avant mon départ. Je m’installe en seconde classe cette fois-ci (on ne peut pas toujours se la péter) et je constate, effaré, que Théo ne connait toujours pas sa poésie. Bon retour à Paris.
Jonathan Demayo
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Article publié le 6 avril 2013. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop
hahah
je connais la synagogue dont tu parles!!!!! michelet! 😉
Théo rentre aussi dimanche … c’est peut-être un coreligionnaire !