Philippe Clair, acteur, auteur et réalisateur mythique des films cultes Plus beau que moi tu meurs, Le Führer en folie, Rodriguez au pays des merguez, Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir et autre Tais-toi quand tu parles, est décédé samedi à l’âge de 90 ans.
Philippe Clair, de son vrai nom Prosper Bensoussan, est né à Ahfir au Maroc en 1930. Il s’établit à Paris au début des années 50 pour étudier la comédie au Conservatoire d’art dramatique de Paris, et débute sur les planches, célébré par la critique parisienne comme l’un des jeunes espoirs du théâtre, puis à la télévision, toujours dans des rôles dramatiques, avant de monter ses propres spectacles, où il fait découvrir en France l’humour judéo-pied-noir : Purée de nous z’otres, La Parodie du Cid, d’Edmond Brua, De Bab el Oued à l’Élysée.
Philippe Clair et Jean-Paul Belmondo, à la sortie du Conservatoire de Paris, 1956
Ses disques enregistrés dans les années 60 le font connaître du grand public : Israël embargoment immédiat, Surboumédienne, Voyons la paix d’un même œil, et Rien Nasser de courir, dont le 45T se vendra à plus d’un million d’exemplaires et sera censuré sous la France gaulliste.
En 1965, il réalise son premier film : Déclic et des claques, avec Annie Girardot, mésaventures comiques de jeunes pied-noirs à Paris. Pour Louis Skorecki, journaliste à Libération, ce film reste un “chef-d’oeuvre méconnu” qui a inspiré La Vérité si je mens. “Entre Pagnol et Philippe Clair, il existe un point commun, un grand point” écrira-t-il.
Au cours des années 70, Clair devient l’un des spécialistes de la comédie populaire, genre alors particulièrement prisé par le public, et révélera notamment Les Charlots et Aldo Maccione, restant le seul réalisateur français à avoir dirigé Jerry Lewis, et l’un des cinéastes français au top du box-office, avec près de 20 millions d’entrées cumulées en salles.
Philippe Clair et Jerry Lewis
16 longs-métrages au compteur pour le roi du gag en France, éreinté par des critiques bornés qui qualifieront ses films d’ «incroyablement stupides et vulgaires» (Jean Tulard, Dictionnaire des réalisateurs), Télérama soulignant que «chaque film de Philippe Clair est pire que le précédent, et pourtant cela n’arrête jamais».
Chez Jewpop, nous étions fans absolus de Philippe Clair et fiers d’être partenaire de son spectacle, produit à l’initiative d’Alain Krief à l’Espace Rachi, qui clôtura dans la bonne humeur les différentes manifestations du 50ème anniversaire des rapatriés d’Afrique du Nord en 2013. L’artiste, alors âgé de 83 ans, avait décidé de remonter sur scène pour prendre l’Histoire à témoin de ses pérégrinations personnelles. De ses «triomphes» au «sommet de son déclin» – le réalisateur avait été floué par la plupart de ses producteurs, et ses films bloqués pour des questions de droits resteront invisibles à la télé et en dvd – il racontait sa vie dans «Au secours ! Philippe Clair revient !», un concentré de son art de comédien, de son sens inouï du burlesque et de l’humour judéo-pied-noir qu’il incarnait avec autodérision et tendresse.
En 2014, il publie son autobiographie, Quel métier étrange (GRRR…ART Éditions), revenant avec émotion sur son enfance au Maroc, sur son extraordinaire parcours et sur les rencontres qui ont marqué sa vie. On le reverra une dernière fois à l’écran en 2019 dans le documentaire Les Magnifiques, de Mathieu Alterman et Yves Azeroual, où il figurait aux côtés d’Enrico Macias, de Robert Castel, Régis Talar et Norbert Saada, cette bande des 5 venus d’Afrique du Nord, qui, chacun à leur façon, ont révolutionné la pop culture française des années 60 à 80.
« Bravo mon fils, pleure derrière la porte, mais souris à la fenêtre », cette citation de son père Isaac, qui fut à la fois rabbin et possédait des fermes, avant de se retrouver ruiné, figure en exergue de l’autobiographie de Philippe Clair. Nous le pleurons désormais aussi, avec le sourire.
Alain Granat
© photos : DR
Article publié le 1er décembre 2020. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop