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"Mais pourquoi on fait pas Noël maman ?"

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Il y a des matins comme ça où tout va de travers. T’es devant ton armoire ouverte comme devant le Kotel, à prier le ciel pour que tombent des étagères mal rangées et bondées,  « Et si possible mon Dieu coordonnées et à ma taille » : une jupe, un haut, des collants. Évidemment rien ne tombe. Oui, tu noteras que Dieu a ouvert la mer Rouge, mais quand il s’agit de te permettre de réparer seule la machine à laver ou de retrouver dans le noir ton ticket de parking, y a plus personne.
 
Il est 7h30, t’irais bien bosser en jogging Adidas trois bandes mais tu doutes que ton boss apprécie le Friday Wear le mardi, surtout que ce matin, un des clients dont tu t’occupes a décidé « d’évoquer l’avenir de votre collaboration en cette fin d’année 2020 et en vue des perspectives de restrictions budgétaires de 2021 », concluant son mail par un perfide « je vous propose de nous retrouver à nos bureaux de Vélizy, disons vers 17h ». Un malheur n’arrivant jamais seul, ton boss te propose de faire ton point annuel sur le chemin du retour en sachant que, comme d’habitude, il te jettera à une porte de Paris au milieu des voitures à la sortie des Maréchaux « Là ça vous va, ah ouais merde il pleut mais ça m’arrange ici, à demain ! ».
 
C’est le moment que trouve ton fils pour faire une incursion dans ta chambre. Droit comme un I, trace de dentifrice à la commissure des lèvres : « C’est ma lettre pour le père Noël, tu peux la poster ? ». Et là, oui, il est 7h55, t’es toujours en pyjama, ton boss risque de te refuser ton augmentation, ton fils va patienter devant l’école 45 minutes parce qu’une fois de plus tu seras en retard, mais là tu peux le dire « Putain, je suis dans la merde ! ».
 
Une fois dans la rue, sur le chemin de l’école, tu profites de passer devant un sapin de Noël en plexi embouti par une voiture pour te lancer dans une explication foireuse : « Tu sais Solal, on ne peut pas faire Noël. On est juifs. » À ce moment-là, tu te dis que oui, ton fils ne devrait rien objecter. C’est vrai après tout : « On est juifs » c’est la phrase de ta mère qui a bercé toute ton enfance. À chacune de tes questions un peu compliquées, elle te répondait le fameux « On est juifs » qui signifiait, tu le comprendras assez vite, « la discussion est terminée, file dans ta chambre, celle-là elle va finir par me tuer ! »
 
– « Pourquoi on a pas le droit de manger du jambon ? », « Parce qu’on est juifs »
– « Pourquoi je ne peux pas épouser Mehdi ? », « Parce qu’on est juifs »
– « Pourquoi on va jamais à la campagne pour les vacances ? », « Parce qu’on est juifs »
– « Pourquoi on doit se taire quand ils parlent d’Israël au journal télévisé ? », « Parce qu’on est juifs »
– « Comment on fait les bébés ? », « Parce qu’on est juifs »
 
Mon fils, qui doit être moins con que moi à son âge, reprend de plus belle. « Ouais mais moi je m’en fous, je préférerais faire Noël que Pessah ». Sur ce coup-là, il a raison. Objectivement, Pessah, c’est la fête la plus chiante du calendrier juif. Tu casses ton PEL pour faire les courses et résultat tu crèves la dalle pendant 8 jours. Mais bon, comme c’est quand même une religion bien foutue, 8 jours, c’est juste le temps qu’il te faut pour savoir chez qui tu peux t’incruster le soir de la Mimouna, chez des marocains si possible car eux putain ils savent y faire avec la bouffe.
 
8h30 devant l’école, excédée par tant de lucidité, je m’agenouille – oui j’ai lu Dolto et regardé Super Nanny – « Solal, sérieux qu’est ce qui te manque ? T’as autant de cadeaux que les autres enfants. Tu veux un sapin avec les guirlandes, les boules et tout ? Mais la hanoukia, c’est bien aussi et tu noteras qu’on a autant de chance que les autres de faire brûler toute la maison. Et le père Noël, tu crois que ça l’amuse de faire le tour des maisons pour distribuer des cadeaux ? Le père Noël, Solal, c’est un vieux monsieur qui a un emploi super précaire avec des horaires t’imagines pas. Et tu sais pourquoi il continue à bosser à son âge, alors que mémé Ninette elle a jamais commencé pour se consacrer soi-disant à ses enfants c’est-à-dire ton père qu’elle a élevé comme un goret ? Et ben parce qu’il n’a pas cotisé assez pour sa retraite. Et puis tu crois que Noël c’est le kif, ou quoi ? À 23h00, faut ressortir de la maison pour aller à la messe de minuit, que maman sait même pas où est l’église. Et que comme on n’y va jamais, à l’église, on sera hyper mal placé pas comme au spectacle de Dora l’exploratrice où, entre parenthèses, tu t’es endormi au bout de 4 minutes. Et Hanouca c’est le miracle des Maccabées. Dans le Temple, ils avaient de l’huile pour tenir une journée et ben la flamme a tenu huit jours ! C’est tout le contraire de ton père et moi, je croyais que j’avais de l’amour pour lui toute la vie et ben j’ai tenu que 4 ans. »
 
The SefWoman
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
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© visuel : Mark Alan Sharnaty / DR

Article publié le 20 décembre 2011. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2020 Jewpop
 

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